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Nazim Hikmet (1901-1963)

Ce vers en dit long sur la personne que fut Nazim Hikmet, poète turc. Ferveur, combat, espoir. Trois mots qui frappent. Trois mots-clés du poème, mais aussi de la vie de Nazim Hikmet. Trois mots qui soulignent une vie hors du commun entre un élan passionné de liberté pour son pays, de la justice pour son peuple, et une implication au sein du parti communiste turc qu’il n’a cessé d’entretenir suite à son premier séjour à Moscou en 1921, fortement influencé par la révolution russe. Dans ses écrits, transpirent la critique sociale, la soif d’un monde meilleur. Il a su exprimer cette angoisse qui nous étreint dans ce fracas du monde à réinventer, où notre seule défense est la confiance que nous accordons, que nous devons accorder encore à l’homme. 

Cette confiance nécessaire, le poète nous la propose, davantage même, nous l’impose. La poésie de celui qui a tant souffert, mais qui n’a jamais perdu courage, est placée sous le signe de l’espérance… 

Il n’a cessé de se battre pour des idéaux de fraternité. Pour tout cela, il sera jugé, emprisonné en Turquie, son pays. 

Condamné à mort en 1933, pour être finalement gracié. Il continue le combat, celui de la justice, de l’espoir, de la liberté. En 1938, il est condamné à vingt ans de prison. Malade, il entame une grève de la faim, soutenue par un comité formé à Paris par, entre autres, Jean-Paul Sartre, Picasso… qui mènera à sa libération en 1950, après dix années de captivité. Il échappe à deux tentatives d’assassinat, et est convoqué pour effectuer son service militaire à 50 ans. 

Déchu de la nationalité turque, il quitte alors clandestinement la Turquie. Il ne cessera de voyager dans de nombreux pays. Il deviendra membre du conseil de la paix et obtiendra même le prix mondial de la paix en 1955, ayant pris position contre le stalinisme. 

Il termine sa vie en exil comme citoyen polonais.
Il meurt d’une crise cardiaque à Moscou le 3 juin 1963. 
« À aimer chaque jour un peu plus », disait-il…


Bernard Montini

Angine de poitrine

Si la moitié de mon cœur est ici, docteur, 

L’autre moitié est en Chine, 

Dans l’armée qui descend vers le fleuve Jaune. 

Et puis tous les matins, docteur, 

Mon cœur est fusillé en Grèce. 

Et puis, quand ici les prisonniers tombent de sommeil 

quand le calme revient dans l’infirmerie, 

Mon cœur s’en va, docteur, 

chaque nuit, 

il s’en va dans une vieille 

maison en bois à Tchamlidja. 

Et puis voilà dix ans, docteur, 

que je n’ai rien dans les mains à offrir à mon pauvre peuple, 

rien qu’une pomme, 

une pomme rouge : mon cœur. 

Voilà pourquoi, docteur, 

et non à cause de l’artériosclérose, de la nicotine, de la prison, 

j’ai cette angine de poitrine. 

Je regarde la nuit à travers les barreaux 

et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine, 

Mon cœur bat avec l’étoile la plus lointaine.

Nazim Hikmet, Il neige dans la nuit et autres poèmes (extrait)

En hommage à notre compagnon Jean-Michel Floret, humaniste, militant et homme de cœur…