©William Chevillon

Jean-Pierre Siméon

Jean-Pierre Siméon est né en 1950 à Paris. Étudesau lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. Il dévore les livres de la bibliothèque familiale, notamment celle de la poésie contemporaine, dont son père, Roger Simon, poète lui-même, est un grand lecteur.

À 15 ans, il écrit ses premiers poèmes. En 1972, publication de son premier livre de poésie. En 1974, il  obtient l’agrégation de lettres modernes. Il commence alors une activité incessante vouée à la poésie, au théâtre, au roman, aux essais, aux traductions, aux rencontres entre artistes. De nombreux prix littéraires viendront révéler son immense ouverture à l’humain, ses blessures, ses désespérances et ses attentes de lumières. Il est tour à tour responsable de la commission de poésie au Centre national du livre, dramaturge auprès d’hommes de théâtre, directeur artistique du Printemps des poètes, enseignant au département des écritures dramatiques. De l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT) à Lyon, il œuvre pour une ardente nécessité poétique du monde.

Toute la poésie de Jean-Pierre Siméon est traversée par une extrême attention au monde, lui qui, malgré tout, préfère les mots et leur puissance évocatrice et critique aux idées souvent dépourvues d’urgence. Influencé par le surréalisme, son œuvre se déploie en une quête irrépressible de la densité humaine.

Bernard Montini

Extrait du poème Stabat Mater Furiosa, de Jean-Pierre Siméon

Sur les routes, dans les rues de nos villes, sur les pistes du désert, au bord des fleuves millénaires, face à l’ombre énorme des montagnes, des millions se sont levés : affamés, vieillards, éclopés, vagabonds, enfants malades, malingres, mutilés, souffreteux, des hommes forts aussi… Oh, mais pas des forts à votre manière… Des hommes plus effarouchés que la jonquille et qui cachaient leur grosse voix dans des chansons de vieilles. Des millions de choses humaines nues et légères se pressaient sur les routes, comme soudain issues des pierres, des arbres, des vagues, des caves, des trous de rats, des foules silencieuses et verticales sans rites et sans appartenance, le front levé, l’œil immobile, fixant le jour.

Rien d’autre savez-vous dans mon songe que l’innombrable peuple des faibles, des écartelés debout, muets.

Dans la demeure splendide du paysage, un vent de silence courait sur le monde. Je ne sais rien d’autre, sinon qu’il n’y avait ni hommes ni fils de guerre, ni chefs de guerre, ni dieu, ni prophètes, pas même l’épée de feu des archanges… Rien que des millions de choses humaines légères et nues, debout sur tous les horizons du monde.

Le songe est dit, c’est l’obstination du cerisier qui fait déborder la lumière. 

Et voici ma prière furieuse, dans la sueur du soir dispersée. 

Saïda (Liban), 19 août 1997