Jean Baptiste Clément (1837-1903)

Fils d’un meunier aisé de Montfermeil, il entre à 17 ans en apprentissage chez un architecte. Après avoir exercé divers petits métiers et vécu dans une sévère précarité, il fait à Paris la connaissance de journalistes écrivant notamment dans des journaux socialistes, tels que Le Cri du peuple de Jules Vallès. Il commence alors une carrière d’auteur et de chansonnier. En 1866, il écrit Le Temps des cerises, qui deviendra quelques années plus tard la chanson culte célébrant l’espoir de l’insurrection de la Commune. En 1871, il devient membre du conseil de la Commune de Montmartre. En quelques semaines, le conseil parisien prendra des mesures, révolutionnaires pour l’époque, qui seront le terreau d’une nouvelle humanité, annonçant des transformations futures radicales pour les temps à venir :

– égalité salariale entre hommes et femmes ;

– citoyenneté accordée aux étrangers ;

– droit de vote pour les femmes ;

– séparation de l’Église et de l’État ;

– instruction laïque, gratuite et obligatoire pour tous ;

– réquisition des logements libres ;

– liberté de la presse ;

– abrogation du travail des enfants ;

– journée de travail de 10 heures.

À la suite de nombreuses disparités sociales et des projets politiques difficilement compatibles entre radicaux, révolutionnaires et indépendants, les idéaux de la Commune vont bientôt se voir réduits à l’état de chimères. Thiers et son gouvernement, réfugiés à Versailles, vont profiter de ces contradictions pour bombarder la capitale et reprendre un avantage décisif pour la reconquête de Paris. Jean Baptiste Clément participera jusqu’au bout à la défense d’une des dernières barricades de la rue de Belleville. Suivra alors la terrible Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871, durant laquelle plus de 20 000 communards trouveront la mort, fusillés ou massacrés par les Versaillais. 38 000 Parisiens sont arrêtés. Des condamnations à mort sont prononcées. De nombreux combattants sont envoyés en exil. C’est le cas de Louise Michel, surnommée la « Vierge rouge ». En 1874, Jean Baptiste Clément est condamné à mort par contumace. Il est obligé de s’exiler. Amnistié en 1879, il rentre à Paris en 1 880. En 1885, il fonde le Cercle d’étude socialiste et la Fédération socialiste des Ardennes, qui participe en 1890 à la création du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire.

Il sut porter au plus haut point l’exigence d’une autre société, plus juste, plus humaine, plus fraternelle.

Bernard Montini

La Semaine sanglante

Chanson révolutionnaire de Jean Baptiste Clément, 1871 (extraits)

Sauf des mouchards et des gendarmes,

On ne voit plus par les chemins

Que des vieillards tristes en larmes,

Des veuves et des orphelins.

Paris suinte la misère,

Les heureux mêmes sont tremblants,

La mode est aux conseils de guerre

Et les pavés sont tout sanglants.

Refrain :

Oui mais…

ça branle dans le manche,

Ces mauvais jours-là finiront.

Et gare à la revanche

Quand tous les pauvres s’y mettront !

On traque, on enchaîne, on fusille

Tous ceux qu’on ramasse au hasard :

La mère à côté de sa fille,

L’enfant dans les bras du vieillard.

Les châtiments du drapeau rouge

Sont remplacés par la terreur

De tous les chenapans de bouge,

Valets de rois et d’empereur.

Refrain

Demain les gens de la police

Refleuriront sur le trottoir,

Fiers de leurs états de service

Et le pistolet en sautoir.

Sans pain, sans travail et sans armes,

Nous allons être gouvernés

Par des mouchards et des gendarmes,

Des sabre-peuple et des curés.