Hausse des cotisations des mutuelles, le faux débat
Les cotisations mutualistes vont augmenter en 2021, relève une étude de l’UFC‑Que choisir. Mais la cause n’en est pas une volonté d’enrichissement des mutuelles. C’est simplement que le coût des prestations santé a augmenté, ce qui doit être pris en compte.
L’association de défense des consommateurs UFC-Que choisir a publié une étude prétendant que les Français vont voir leur cotisation à leur mutuelle santé augmenter de 4,3 % cette année. Elle passe en revue différentes mutuelles (623 contrats) et cite des progressions voisines de 7 %. Cette hausse des contrats individuels se traduirait par un surcoût annuel médian de 79 euros par an, et jusqu’à 200 euros dans certains cas extrêmes. L’association dénonce dans la même étude « l’opacité dans laquelle agissent les acteurs ».
Côté mutualistes, tous les intervenants dénoncent une étude à charge, insincère et biaisée. D’autant qu’une mutuelle, ce n’est pas que du remboursement de prestations. Une mutuelle rembourse les frais de santé de ses adhérents, mais elle réinvestit ses bénéfices au profit de ceux-ci : structures de soins et de services (centres de santé, dentaires, optiques, crèches, Ehpad, etc.). Le centre René-Laborie (proche des lignes de RER et du métro Châtelet-Les Halles) vient ainsi de connaître une modernisation importante pour mieux répondre aux besoins des patients.
Une mutuelle propose également un fonds d’actions sociales aux adhérents en difficulté (aides sociales et financières exceptionnelles en cas de chômage, frais de santé importants, problèmes familiaux, etc.).
N’en déplaise à l’association de consommateurs, qui en tire argument pour une charge contre les mutuelles en général – qu’elle amalgame d’ailleurs avec les assureurs privés de la santé –, l’augmentation qui devrait intervenir en 2021 est dans la droite ligne de l’évolution de cette dernière décennie. C’est ce que démontre, entre autres éléments, l’étude mise en place par la Mutualité française auprès de ses mutuelles adhérentes pour mesurer l’évolution annuelle des cotisations. Cette enquête visait à estimer la progression des tarifs prévue pour l’année à venir. 332 mutuelles ont participé à l’enquête, couvrant 13,9 millions de personnes en complémentaire santé (8,4 millions en contrat individuel et 5,5 millions en contrat collectif).
Pas d’inflation des cotisations
Sur l’échantillon de ces mutuelles, l’évolution moyenne des cotisations en 2021 est de 2,6 %1. Cette évolution, similaire à celle des dix dernières années, prouve donc qu’on n’observe pas d’inflation « scandaleuse en période de crise sanitaire ».
Cette évolution correspond à l’augmentation moyenne annuelle des dépenses de santé des mutuelles sur les dix dernières années et on note qu’une mutuelle sur cinq n’augmente pas ses cotisations. Le principal facteur explicatif de l’évolution des cotisations est l’augmentation des dépenses de santé estimée par les mutuelles cette année. En effet, pour 2021, la Mutualité française prévoit des dépenses de santé qui s’inscriront dans celles constatées les précédentes années, amplifiées par un rattrapage des soins. Pour ce qui est des dépenses des complémentaires santé, en dix ans, les remboursements aux adhérents mutualistes ont progressé de 29 % (et représentent 30 milliards d’euros), la moyenne annuelle d’augmentation étant de 2,6 %.
Pour 2020, les moindres dépenses de santé du fait des conséquences de la Covid (nombre de soins et d’opérations ont en effet été reportés pour cause de crise sanitaire) ont été compensées par la taxe, dite « contribution Covid », mise en place par le gouvernement (sur le chiffre d’affaires de complémentaires santé à hauteur d’un milliard d’euros en 2021 et de 500 millions d’euros en 2022). Les contrats santé seront donc taxés en 2021 à hauteur de 16,5 % (soit une augmentation de la fiscalité sur les contrats santé de 18 %. Voir Le Mutualiste n° 136 d’octobre 2020). La Mutualité rappelle par ailleurs qu’en termes de parts de marché en couverture santé, les mutuelles demeurent majoritaires sur le marché de l’assurance santé et représentent 50 % des cotisations collectées en 2019. La santé compte pour 85 % du chiffre d’affaires des mutuelles (49 % pour les institutions de prévoyance et 6 % pour les sociétés d’assurances privées).
Alain Noël
1 Elle est plus faible en individuel (2,1 %) qu’en collectif facultatif (3,6 %) et en collectif obligatoire (3,3 %).
Où vont vos cotisations ?
Pour 100 € de cotisations
- hospitalisations, 16,1 % ;
- taxes, 14,7 % ;
- optique et dispositifs médicaux, 13,8 % ;
- dentaire, 10,2 % ;
- médicaments, 9,9 % ;
- médecins et sages-femmes, 9,3 % ;
- immobilier (sièges, agences, systèmes d’information, services – tiers payant, réseaux de soins, prévention, action sociale), 8,4 % ;
- salaires, 5,7 % ;
- soins infirmiers, kinésithérapie, etc., 5,3 % ;
- analyses de laboratoire, 2,6 % ;
- participation aux frais (accouchements, funérailles, etc.), 1,6 % ;
- réserves prudentielles, 1,6 % ;
- transports sanitaires, 0,6 % ; publicité, 0,2 %.
Sources : Comptes nationaux de la santé 2019, SNDM 2019 et Drees 2019