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Chat GPT ou l’intelligence artificielle, une dangereuse révolution

 Une machine qui écrit des discours ou des thèses, rédige la réponse que vous voulez faire à un courrier, qui fabrique de toutes pièces de « fausses » photos : science-fiction ? Plus tout à fait. L’intelligence artificielle arrive et l’un de ses derniers avatars s’apprête à chambouler nombre de domaines de nos vies. La vigilance s’impose. 

Tout a commencé avec l’idée de fabriquer des machines qui puissent remplacer l’homme en accomplissant à sa place des tâches réputées difficiles et/ou fastidieuses. C’est ainsi notamment qu’au XVIIe siècle le philosophe Blaise Pascal inventa une machine à calculer… qui connaîtrait une abondante postérité. Vinrent ensuite différents systèmes de plus en plus sophistiqués, dont les ordinateurs, avec leur mémoire et leur capacité d’accomplir rapidement des tâches complexes et chronophages. Le terme intelligence artificielle désigne aujourd’hui un système informatique capable d’effectuer ou d’apprendre une tâche cognitive propre à l’humain ou à l’animal. La machine surpasse l’humain dans ces tâches qui ont un intérêt économique.  Les compétences (pour ainsi dire) des ordinateurs se sont développées en même temps qu’elles s’élargissaient. Ce qui avait d’abord été une super‑calculatrice est devenu un super-agenda, un super‑traitement de texte, un retoucheur de photos… 

Dans notre vie professionnelle comme dans notre existence personnelle, nous ne voyons plus comment nous pourrions nous en passer. Peu à peu, amélioration après progression technique, d’algorithme en algorithme, l’intelligence artificielle a pris dans nos vies une place de plus en plus importante, et que nous ne soupçonnons pas toujours. Elle préside au fonctionnement de nos moteurs de recherche, des robots et chatbots qu’on nous propose d’utiliser, des assistants vocaux. Elle est utilisée dans la reconnaissance faciale servant à déverrouiller votre téléphone, ou encore la détection des fraudes financières par apprentissage automatique. Elle est au cœur des dispositifs de recommandation courants sur les réseaux sociaux. Elle s’infiltre en médecine, dans les objets connectés (la montre qui calcule notre rythme cardiaque et le taux d’oxygène dans notre sang), mais devient également une aide au diagnostic. Elle a en effet accès à toutes les archives, y compris photographiques, concernant les pathologies possibles, ce qui rend possible la reconnaissance des anomalies qu’en principe le médecin détecte grâce à ses compétences et à son expérience. Gain de temps et sécurisation des résultats confortent ce recours à l’IA. 

Nos rapports avec les sites de réservations de spectacles ou de vacances n’y échappent pas, les différents formulaires que nous avons à remplir non plus, et nous nous étonnons à peine de devoir, à la fin de la page, promettre à la machine que nous ne sommes pas un robot !

Progrès technique, régression sociale 

Il reste que le progrès technique que représentent indéniablement l’informatique et la robotique n’est pas univoque, et qu’il s’accompagne d’inconvénients si ce n’est de dangers qu’il ne faudrait pas se dissimuler. Sans céder au catastrophisme, on peut se demander si, notamment en matière d’intelligence artificielle, nous ne nous comportons pas, parfois, en apprentis sorciers. On se souvient de l’exemple de l’ordinateur de bord, affectueusement prénommé Hal, dans le film de Stanley Kubrick 2001 : l’odyssée de l’espace. La « machine », à qui on a enseigné différentes habiletés, prend soudain son autonomie, et adopte des comportements non prévus, potentiellement opposés à la volonté, voire aux intérêts, des héros humains.  

Il apparaît ainsi que l’informatisation et la robotisation sont une menace claire pour les emplois. Oh ! Certes, on nous affirme que les caissières (« hôtesses de caisse » !) remplacées par des caisses automatiques sont formées à d’autres tâches. Mais ce que l’on voit c’est que cinq caisses (et leurs caissières) cèdent la place à cinq automates et un être humain qui supervise l’usage qui est fait de ces machines !  Que deviennent les quatre autres ? 

Selon le Forum économique mondial, le marché de l’emploi va être bouleversé dans les cinq ans qui viennent par l’intelligence artificielle (IA). En Inde, par exemple, 69 millions de nouveaux emplois seront créés et 83 millions d’emplois existants détruits, soit une perte nette de 14 millions. On prévoit que l’IA prendra le dessus dans l’industrie, l’analyse des données, l’apprentissage automatique, etc. 

Le dernier événement, mais non le moindre, dans ce domaine est le lancement du « robot conversationnel » Chat GPT, par la société Open AI (pour Artificial Intelligence). Il est tout bonnement capable de produire des « contenus » – courriers, articles, voire thèses ou dissertations –, pourvu qu’on lui fournisse un sujet. Il accède alors à toutes les données et informations disponibles sur le Net… Mais là ne s’arrêtent pas ses compétences. Il est aussi bien capable de produire (dans les mêmes conditions, c’est-à-dire si on l’alimente préalablement en données) des photos. On a ainsi pu voir sur les réseaux sociaux des images créées de toutes pièces, d’Emmanuel Macron fuyant une émeute, du pape François portant une doudoune blanche. Un récent supplément du Journal du Dimanche a publié un portrait de l’écrivain Michel Houellebecq illustré de plusieurs photos et accompagné de l’avertissement suivant : « Ceci n’est pas Michel Houellebecq… Ces portraits, ressemblants (sic), ont été conçus par l’IA Midjourney… ». 

Là encore, et au risque d’apparaître comme le descendant des canuts qui refusèrent le métier à tisser inventé en 1801 par le lyonnais Joseph Marie Jacquard – métier automatisé, et qui menaçait donc les emplois des ouvriers –, il faut pointer le fait qu’on est de nouveau face à une invention qui ouvre la porte à la disparition, sinon de professions, au moins de tâches. La machine œuvrera plus vite et de façon plus docile qu’un être humain, ce qui porte une révolution technique et sociale qu’il convient de ne pas négliger. Sans parler de la diffusion de « fake news », fausses informations et images, dont le danger est patent.

Alain Noël