L’incroyable potentiel de la bio‑impression
Consistant à créer de façon artificielle des tissus biologiques grâce à des imprimantes 3D, en déposant les cellules couche par couche, la bio-impression permettra dans un avenir plus ou moins proche de remplacer l’expérimentation animale et de pallier le manque de tissus humains.
Lancée il y a 35 ans par le docteur américain Robert J. Klebe, la bio-impression « est basée sur l’utilisation de cellules humaines, associées à des hydrogels (mélange d’eau), qui sont ensuite bio-imprimées grâce à des machines qui permettent d’organiser ces cellules en 3D », explique Hugo de Oliveira, ingénieur de recherche à l’Inserm et responsable scientifique de l’Accélérateur de recherche pour les technologies de bio-impression (ART Bioprint) à Bordeaux.
Différents types de machines sont utilisés pour réaliser la bio-impression. « La première machine était une machine à jet d’encre adaptée. Sont aussi utilisés des modèles à micro-extrusion (l’extrusion est un procédé de fabrication consistant à compresser un matériau dans un format défini, N.D.L.R.) qui consistent à produire des hydrogels qui contiennent des cellules. On peut aussi réaliser de la bio-impression grâce à des bio-imprimantes assistées par laser. C’est la technique utilisée par Fabien Guillemot cofondateur de l’entreprise bordelaise Poietis qui réalise actuellement les premiers essais cliniques avec des tissus humains pour l’impression de peau en collaboration avec l’hôpital de Marseille », résume le biochimiste. Autre technique utilisée, la stéréolithographie qui utilise un faisceau laser ou une source de lumière pour polymériser une bio-encre en 3D.
La bio-impression a deux applications. La première consiste à remplacer l’expérimentation animale. « C’est un objectif à assez court terme. La bio-impression consiste alors à utiliser des cellules humaines pour réaliser des modèles qui miment un cancer ou une autre pathologie humaine afin de tester des médicaments ou de comprendre le mécanisme de ces maladies », décrit Hugo de Oliveira. La deuxième application de la bio-impression est l’ingénierie tissulaire et a pour objectif de pallier le manque de tissus d’organes. « La bio-impression permet de maîtriser un peu plus la structuration d’un tissu qu’on pourrait ensuite réintroduire dans un patient », indique Hugo de Oliveira qui précise que cette application n’en est qu’à ses prémices.
Organes bio-imprimés : un long chemin encore
Les chercheurs qui travaillent dans le domaine de la bio-impression sont, en effet, confrontés à plusieurs limites, notamment à la difficulté liée à la production de cellules de tissus humains. « Souvent, elles ne prolifèrent pas, ne se divisent pas comme on le voudrait et ne conservent pas leurs capacités prolifératives très longtemps. Pendant la bio-impression, peuvent aussi se produire des morts cellulaires et, pendant le temps de maturation de ces cellules, certaines n’adoptent pas le comportement souhaité. Quand on isole les cellules de personnes légèrement différentes, la procédure de maturation n’a pas toujours le même résultat », indique Hugo de Oliveira.
La bio-impression représente donc une véritable avancée pour le secteur médical mais il est encore beaucoup trop tôt pour envisager la réalisation d’organes bio-imprimés. « Certains tissus sont très complexes à produire. C’est le cas du cœur ou du cerveau en termes de structure, de capacités de prolifération et de maîtrise du phénotype cellulaire. Nous sommes très loin de la production d’un rein, d’un cœur ou d’un foie pour ensuite le transplanter », souligne Hugo de Oliveira qui mise davantage sur une combinaison avec la robotique dans le bloc opératoire pour faire des dépositions de cellules. « Le processus de bio-impression est en effet long et très cher. Il doit être simplifié et devenir plus direct pour être utilisé un jour dans l’humain », ajoute-t-il.
© C i E M / Violaine Chatal