Les arts et les lettres se mettent en Seine
Nombreux sont les peintres et écrivains qui ont posé leurs pinceaux et stylos dans la vallée de la Seine. Une échappée s’impose, à une encablure du centre de Paris, accessible en RER et en tram.
Aux sources de l’art moderne, le mouvement Nabi reste encore méconnu du grand public. Il s’inscrit dès la fin du XIXe siècle en marge de la peinture académique avec la volonté d’intégrer l’art dans la vie quotidienne.
Maurice Denis en fut le chef de file. À Saint-Germain-en-Laye, « Le Prieuré », sa maison atelier, devenue musée départemental, était à l’origine un hôpital général royal. Aujourd’hui classée monument historique, elle vaut à elle seule la visite pour son escalier à double révolution, ses deux niveaux de galeries ainsi que la chapelle et le jardin, écrin de verdure propice à la méditation. Riche de quelque 5 000 œuvres et enrichie par la donation consentie au département des Yvelines par la famille de Maurice Denis d’une importante collection de peintures, le musée présente des œuvres de Gauguin, Bonnard, Vallotton, Mondrian, etc. Agrémenté de contenus numériques, le musée Maurice Denis est l’occasion d’expérimenter un nouveau rapport aux œuvres, pédagogique mais aussi sensoriel et émotionnel. Incontournable pour comprendre les origines de l’art moderne.
Si le temps le permet, ne manquez pas de suivre une balade pédestre le long de la Seine autour des précurseurs des Nabis proposée par l’office de tourisme : le Chemin des Impressionnistes vous y invite. Un peu plus loin, à Port-Marly, c’est un Alexandre Dumas au faîte de sa gloire et riche de ses droits d’auteur qui fait édifier en 1844 un château à sa (dé)mesure, baptisé illico « château de Monte-Cristo ». L’écrivain a laissé libre cours à son imagination débordante. Toute la bonne société d’écrivains, artistes, comédiens, etc., s’y presse pour faire la fête, ripailler à la gloire de l’écrivain qui, rappelons-le, est l’auteur du Grand dictionnaire de cuisine. Alexandre Dumas aux fourneaux… Les témoignages abondent : fumets, vins fins, victuailles se répandent à tous les étages !
Flanqué de deux tourelles avec clocheton, le château de style « Renaissance » se dresse au cœur d’un immense parc aménagé à l’anglaise avec bassins, rocailles et cascades. L’élément central reste le salon mauresque pour lequel Dumas « emprunta » un décorateur tunisien au bey de Tunis, lequel s’attela à la tâche, introduisant force guipures, moulures et ciselures qui confèrent à cette pièce unique un cadre orientalisant superlatif. À proximité, un pavillon néogothique complète le tableau, un petit castelet en meulière et brique où l’écrivain se retirait pour parfaire son œuvre, un quart d’heure par page, à raison de douze heures par jour, dit-on…
En juillet dernier, une journée de commémoration nationale en l’honneur du capitaine Dreyfus a été décrétée. Quatre-vingt-dix ans après sa mort, sa mémoire est toujours entretenue par les héritiers d’émile Zola dans sa maison de Médan, acquise en 1878, après le succès des premiers volumes de la saga des Rougon-Macquart. « J’ai acheté une maison, une cabane à lapins (…) dans un trou charmant au bord de la Seine », écrit-il à son ami Gustave Flaubert. La « cabane à lapins », magnifiquement restaurée, a conservé ses deux tours, l’une hexagonale, l’autre carrée sur deux étages, agrémentée de balcons blancs où prennent place la salle à manger, la cuisine, la chambre, la salle de bains et le cabinet de travail de l’écrivain, véritable bric-à-brac où s’accumulent armures médiévales, bimbeloteries et antiquailleries diverses et variées, vitraux, cheminée monumentale décorée de cariatides, instruments de musiques, plafond à caissons, etc.
Nombreux sont les invités de marque qui bénéficièrent de l’hospitalité des Zola : Cézanne, Daudet, Jules Vallès, les frères Goncourt, etc. Zola y vivra avec sa famille jusqu’à sa mort énigmatique, en 1902, par asphyxie – probablement un assassinat, pense-t- on, à la suite de son engagement polémique dans l’affaire Dreyfus. L’occasion de visiter (sur réservation uniquement) l’espace muséal qui lui est consacré, plus que jamais nécessaire pour en comprendre ses enjeux et son actualité.
Ne manquez pas de prolonger votre visite par d’autres maisons d’artistes alentour, telles que celles d’Ivan Tourgueniev, Berthe Morisot, Maurice Maeterlinck. Décidément la vallée de la Seine fut pour eux une terre d’accueil.
Denise Cabelli
														  
			