Syros, une île en notes
Capitale de l’archipel des Cyclades, au cœur de la mer Égée, Syros (ou Syra), moins fréquentée que ses voisines, offre aux visiteurs l’occasion de découvrir ses trésors en musique.
On s’y rend en une heure ou deux, en bateau ou en aéroglisseur, au départ du Pirée. Destination Hermoupolis (du dieu Hermès), port d’accueil très animé, siège d’importants chantiers navals toujours actifs.
Mais c’est son dynamisme culturel et artistique qui en fait tout l’attrait. Important centre commercial de Méditerranée orientale jusqu’au milieu du XIXe siècle et centre d’attraction d’une bourgeoisie aisée, il se dote d’édifices néoclassiques surmontés d’arcades revêtues de marbre. Colonnades, statues, sculptures décoratives, grandes places, théâtres et nombreuses églises témoignent d’un passé opulent, sans parler d’immeubles d’habitation luxueux.
Attraction majeure et emblématique de Syros, le théâtre historique d’Apollon édifié en 1864 par un architecte italien, réplique miniature de la Scala de Milan et inauguré par une troupe italienne avec, entre autres, une représentation de La Traviata qui laissa un souvenir impérissable… Sans omettre une balade dans la « Venise des armateurs », quartier chic de Vaporia, bordé de maisons cossues tout en colonnades et décorations en fer forgé, et de son imposante et bien nommée église Aghios Nikolaos des Riches…
En contrebas, au pied d’une ruelle en escalier, une jolie plage vous tend les bras…
En dépit de son déclin économique et stratégique au profit du Pirée, l’île reste très attractive durant toute l’année.
L’arrivée par la mer offre le spectacle éblouissant de deux collines baignées de lumière surplombant le port.
Spécificité de Syros, la cohabitation harmonieuse et ancienne des deux confessions qui se partagent le territoire : Ano Syro, la catholique et Vrondado, l’orthodoxe, se faisant face sur deux pitons rocheux. D’un bout à l’autre de l’île, monastères, églises et petites chapelles invitent fidèles et visiteurs au recueillement. De facture récente, ils ne contiennent pas de véritables curiosités, fresques ou icônes remarquables, à l’exception de l’église de la Dormition de la Vierge (Kimissi Théotokou) où l’on peut découvrir et admirer une icône éponyme signée du Greco datée de 1562-1564.
Le temps fort à Syros se déroule en été, en hommage à Markos Vamvarakis l’un de plus grands compositeurs de « rebetiko », qualifiée à tort de musique « folklorique ».
Le rebetiko est une musique urbaine née dans les années 1920, jouée dans les tavernes, surtout dans les ports, une musique mélancolique d’influence à la fois slave et byzantine, une musique qui se boit ouzo ou raki et qui se fume…
À l’origine, cette musique avait très mauvaise réputation, considérée comme réservée aux voyous, aux bons à rien, aux femmes de « mauvaise vie » au ban de la bonne société. Les chansons ont parfois été interdites, et les auteurs mis en prison pour « rébellion ». Un peu l’équivalent du tango… De quoi ça parle ? D’amour, évidemment, d’amours malheureuses. Pendant le festival, une espèce de transe hypnotique s’empare des visiteurs. En à peine une dizaine d’années, l’événement attire des fans, jeunes et moins jeunes, venus des quatre coins du monde et les plus grands interprètes se bousculent pour y participer. Un succès inattendu à l’ère des musiques électroniques !
Entre deux concerts, un pèlerinage s’impose dans la maison du « patriarche » Vamvarakis transformée en musée où sont exposés ses instruments, des photographies anciennes et objets personnels. Une véritable expédition quand on apprend qu’elle se trouve au sommet d’Ano Syros et qu’on ne peut y accéder qu’à pied ! La plus vieille partie de l’île, fondée par les Vénitiens au début du XIIIe siècle, a conservé son charme médiéval, ses vieilles ruelles sinueuses et pentues, ses escaliers où les chats se dorent au soleil. Point culminant, la cathédrale catholique Saint-Georges d’où la vue panoramique sur Hermoupolis est magique.
Pour se remettre de ces émotions, rien de tel que la gastronomie, laquelle occupe une place importante avec des produits spécifiques comme les « chalvadopitès », sorte de nougats ronds à base d’amandes et de miel, le fromage pimenté « Sa-Michali » titulaire d’une appellation d’origine contrôlée et apprécié dans toute la Grèce ou encore les « pastelariès », des figues séchées au four avec du sésame et de la cannelle.
Dans son Odyssée, Homère, déjà, ne s’y était pas trompé :
« Il y a une île qu’on nomme Syrè, au-dessus d’Ortygiè, du côté où Hèlios tourne. Elle est moins grande,
mais elle est agréable et produit beaucoup de bœufs, de brebis, de vin et de froment ; et jamais la famine n’afflige son peuple, ni aucune maladie ne frappe les mortels misérables hommes. »
Denise Cabelli