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Ramener les spectateurs dans les salles de cinéma

La fréquentation des cinémas a connu une forte baisse, notamment suite à la pandémie de Covid-19 : – 55 % en 2021 par rapport à 2019. Ce constat effectué, et quelques explications élaborées (voir l’étude du Centre national du cinéma et des images animées), les professions concernées – éditeurs de films, distributeurs – ont mis en place des mesures pour inverser la tendance.

La sortie familiale au cinéma, ou les rendez-vous entre jeunes pour « se faire une toile », deux modèles largement popularisés… par le cinéma lui-même, semblent en déclin dans notre pays. Même si la France reste le premier pays d’Europe en termes de fréquentation des salles. 

Nous avons connu 300 jours de fermeture des salles, du 15 mars au 21 juin 2020 puis du 30 octobre 2020 au 18 mai 2021. À l’issue de cette période et deux mois après la levée des dernières restrictions sanitaires dans les cinémas, le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) a réalisé, en mars 2022, une étude sur un échantillon de 1 176 Français, pour identifier les causes de la baisse de fréquentation, et explorer les éventuels leviers d’une reconquête du public. 

Il apparaît que les jeunes sont revenus plus facilement au cinéma que les 60 ans et plus et qu’une partie des actifs, les 25-59 ans, n’a pas retrouvé ses habitudes de fréquentation d’avant la crise sanitaire. La baisse de la fréquentation tient à une conjonction de facteurs, conjoncturels ou structurels. Parmi ces derniers, déjà présents avant la Covid : la concurrence des plateformes, accélérée par la pandémie, et qui touche un public plus large ; un manque d’intérêt pour les films sortant en salle ; la perception du prix du billet de cinéma, notamment pour les 35-59 ans. Côté conjoncture, les raisons pour lesquelles on va moins souvent, ou plus du tout, au cinéma depuis la réouverture des salles, sont : la perte d’habitude de se rendre au cinéma (pour 38 %), la perception du prix du billet (36 %), le port du masque (33 %), la préférence de regarder des films sur d’autres supports (26 %), le manque d’intérêts pour les films proposés (23 %).

Les professionnels du CNC ont envisagé des leviers pour reconquérir le public et recréer les habitudes. Prenant acte de ce que le cinéma est un marché de l’offre, ils évoquent « une réflexion à mener sur l’offre en salles, la programmation, et les moyens de donner envie aux jeunes de voir des films français, des films d’auteur ». La séance est une expérience à revaloriser, notamment face aux plateformes : il s’agit d’organiser une « premiumisation » des salles (transformées en lieux d’accueil pour des spectateurs traités comme des personnages importants), et de revivifier la projection comme expérience sociale. 

Et l’étude donne aussi des pistes, lorsqu’elle met en avant les raisons pour lesquelles les spectateurs ont eu envie de retrouver la séance en salle. La simple envie de voir un film a été le premier motif, pour 51 % des personnes interrogées ; est venue ensuite l’envie de bénéficier de conditions optimales de son, d’image et de confort qu’on trouve dans une salle de cinéma. Parmi les raisons invoquées viennent ensuite l’envie de passer un moment collectif entre amis, en famille ou en couple (36 %) puis le désir d’un loisir qui fait sortir de chez soi et brise la solitude (34 %). L’envie peut être stimulée grâce à une meilleure exposition et promotion des œuvres, à travers les leviers du marketing et des données recueillies par les distributeurs. 

Changer les séances

Comme élément « motivateur », un spectateur évoque la tenue d’avant-premières, proposées à des spectateurs invités, à qui sont offerts des cadeaux (bon marché) personnalisés. Un autre parle « d’événements », de  festivals, avec le cas échéant la présence de l’équipe du film à la projection. « Recréer l’envie, confirme François Vila, attaché de presse, peut passer par des événements, des rencontres, avec des réalisateurs par exemple, des rendez-vous… ». En termes de programmation, cela peut être « des mini-cycles dédiés à tel réalisateur ou telle période du cinéma ; ou la réédition des films restaurés comme on ne les verra pas à la télévision (grain de l’image, meilleur son), re-sortie d’œuvres comme La maman et la putain, qui n’est pas disponible en DVD… ». 

On promeut des moments de convivialité et d’échange en particulier en banlieue et en province ; « cela recrée du lien social et casse l’anonymat du cinéma, qui résulte des multiplex et autres ». 

Ce que confirme Jane Roger (Syndicat des distributeurs indépendants, et JHR Films) : « une salle de cinéma est une agora, un lieu d’échanges entre spectateurs ». Elle juge essentiel de « remettre le spectateur et son engagement
au cœur de l’expérience ».
Puisque celui-ci « veut consommer raisonnable, profitons-en. Proposons un cinéma exigeant, qui puisse éduquer, responsabiliser. Il faut souligner qu’il existe une chaîne de fabrication de films, qui est mise en danger ; c’est le spectateur qui la soutient ». 

Quant au prix, certains circuits de distribution ont une politique tarifaire pour les jeunes (voire les 35-59 ans). Pour les jeunes encore, la présence sur les affiches d’un QR Code donnant les horaires des séances est un plus. 

 Alain Noël 

Une diminution inégalement répartie

La baisse de la fréquentation a été moins forte chez les indépendants (- 28 % en 2021 par rapport à la moyenne 2017-2019) que pour les circuits (- 64 %). De même, les cinémas Art & Essai sont un peu moins impactés : – 49 % contre – 57 % pour les autres. Selon le type d’agglomération, la baisse a été un peu plus marquée en petite couronne (- 59 %) qu’en grande couronne ou dans les communes de moins de 20 000 habitants (- 50 % pour les deux catégories).