Les polluants éternels, une condamnation partielle
Les députés ont voté début avril l’interdiction partielle des PFAS, substances per- et polyfluoroalkylées, encore appelés « polluants éternels », présentant des risques pour la santé humaine. Mais leur utilisation, abondante, dans les ustensiles de cuisine, n’est pas concernée par la loi. Fin mai, le Sénat a amendé certains aspects du texte, qui sera de nouveau examiné par l’Assemblée nationale.
Le groupe Les Écologistes a présenté, en avril dernier, un projet de loi visant à l’interdiction, à compter du 1er janvier 2026, de la fabrication, de l’importation et de la vente de produits contenant des PFAS, au nombre d’environ 4 700, qui présentent des risques potentiels pour la santé.
Ces substances sont très utilisées dans l’industrie depuis les années cinquante, pour leurs propriétés antiadhésives, imperméables ou résistant aux températures élevées. Elles sont présentes dans un grand nombre d’objets de notre quotidien, qu’il s’agisse de poêles antiadhésives (au Téflon), de papier de cuisson, d’emballages alimentaires, de textiles, de produits de nettoyage, de cosmétiques. Elles ont aussi des applications industrielles comme dans les mousses anti-incendie, les peintures, les pesticides. Leur persistance prolongée dans l’environnement leur a valu le surnom de « polluants éternels », contaminant l’air, l’eau, les sols, ainsi que l’ensemble de la chaîne alimentaire. L’agence Santé publique France a estimé, en 2019, que l’ensemble de la population française est imprégnée de PFAS.
L’usage de ces composés, même à très faible dose, serait à l’origine de multiples effets nocifs pour notre santé. On leur devrait des cancers (du rein, du testicule), des perturbations du système endocrinien (glande thyroïde), une augmentation du taux de cholestérol sanguin, un effet sur le foie, le développement de l’enfant… Et après accumulation dans la chaîne alimentaire, ces substances peuvent être absorbées par les plantes et les animaux et se concentrer à des niveaux élevés dans les tissus. De plus, les PFAS peuvent être transférés aux humains par le biais de la consommation d’aliments contaminés, de l’eau potable ou par l’inhalation d’air. Enfin, il est à noter que ces composés sont chimiquement stables et se dégradent difficilement, ce qui explique que leur rémanence soit particulièrement longue.
Un bannissement… relatif
Le Parlement a donc voté l’interdiction de la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant des PFAS (cosmétiques, fart de ski et textiles d’habillement dès 2026 ; ensemble des textiles dès 2030). Autre décision, le renforcement du contrôle des PFAS dans les eaux ou encore l’assujettissement des installations industrielles à une redevance à hauteur des substances émises dans les milieux environnants.
Par ailleurs, et en dépit de l’opposition du Gouvernement, les députés ont décidé que ce serait les industriels qui porteraient le coût de la dépollution, en application du principe « pollueur-payeur ». Une redevance va être instaurée, qui sera versée aux agences de l’eau, établissements qui sont directement confrontées, sur l’ensemble du territoire, à des problèmes de décontamination.
Le but du projet de loi est de protéger la population des risques liés aux PFAS tout en anticipant l’interdiction universelle de ces substances à l’échelle européenne. Celle-ci pourrait en effet résulter des travaux de l’Agence européenne des produits chimiques, travaux engagés à l’initiative de plusieurs États membres (l’Allemagne, la Suède, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas). La nouvelle réglementation européenne prendrait effet au plus tôt en 2027.
Le Sénat a d’ores et déjà prévu de privilégier le cadre européen pour l’adoption des restrictions de la production et de l’utilisation des PFAS. Un meilleur contrôle des restrictions, ainsi qu’un renforcement de la sanction de leur non-respect, afin de garantir la bonne mise en œuvre de ces restrictions. Enfin, la chambre haute entend mieux mesurer les contaminations, et pour cela prévoir la mise à la disposition du public d’une cartographie des quantités de PFAS émises dans les milieux naturels, de même que la publication du programme des analyses des PFAS dans les eaux en bouteilles par les Agences régionales de Santé (ARS). Enfin, les actions de dépollution seront financées : les modalités d’application de la redevance prévue devront être clarifiées ; le Parlement demandera au Gouvernement la publication d’un plan d’action dédié.
Le seul bémol, mais il est de taille : toutes les mesures d’interdiction visant ces polluants qualifiés « d’éternels » ne concerneront pas leur présence dans les ustensiles de cuisine, qui est pourtant particulièrement abondante. C’est au Gouvernement, par la voix de Roland Lescure, ministre de l’Industrie, que l’on doit cette mesure d’exemption. Tout en se défendant d’être « l’avocat des industriels », ce dernier a en effet fait valoir qu’il importait de ne pas « tuer l’industrie française ». Une position en ligne avec de récents propos du président de la société SEB, qui avait récemment averti que le texte proposé menaçait 3 000 emplois.
Le projet de loi va être réexaminé par l’Assemblée nationale et, si les désaccords persistent entre la version des députés et celle des sénateurs, une commission mixte Assemblée nationale-Sénat élaborera la version finale du texte.
Alain NOËL
Un plan gouvernemental 2023-2027
Le Gouvernement a publié le 5 avril un Plan d’action interministériel, qui intègre et complète les actions prévues par le plan du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de 2023. Il entend mobiliser les administrations publiques concernées afin de réduire les risques associés aux PFAS.
Le plan gouvernemental 2023-2027 compte cinq axes d’action : développer des méthodes de mesure des émissions, des contaminations de l’environnement et de l’imprégnation des humains et des autres organismes vivants ; disposer de scénarios d’évaluation de l’exposition des organismes (humains et autres) prenant en compte les multiples voies (ingestion, inhalation, contact cutané) et sources d’exposition aux polluants ubiquitaires que sont les PFAS ; renforcer les dispositifs de surveillance des émissions ; réduire les risques liés à l’exposition aux PFAS ; innover en lien avec les acteurs économiques et soutenir la recherche ; améliorer l’information du public.
La coordination des actions et le suivi du plan seront assurés par un comité de pilotage interministériel réunissant tous les acteurs.