La vie mutualiste

Le 14 février dernier, le conseil d’administration de notre mutuelle réunissait à Paris les délégué(e)s mutualistes à l’exception de celles et ceux de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour eux, une réunion sera organisée dans les semaines à venir dans nos locaux de l’agence de Nice.

Ces moments de débats, moins formels que lors de nos assemblées générales, ont permis d’échanger librement autour de deux thématiques. Une première en lien avec l’actualité mutualiste, l’environnement de la santé, et les perspectives pour notre mutuelle. Une seconde, consacrée à l’économie sociale et solidaire (l’ESS) en présence de Jean-Philippe Milesy, auteur d’un livre sur ce sujet. La matinée fut l’occasion de revenir sur l’environnement et les évolutions de la complémentaire santé en France.

Depuis le début des années 2000, « le marché » de la complémentaire santé a connu d’importants bouleversements

Bouleversement réglementaire : le Conseil de l’Europe adopte en 1992 des directives communautaires en matière d’assurance, elles seront transposées dans le droit français le 19 avril 2001, avec pour corolaire, une refonte en profondeur du Code de la mutualité. Nouveau code divisé en trois parties selon les activités des mutuelles : Livre III pour celles relevant de la prévention et de la promotion de la santé, et de la gestion d’établissements à caractère sanitaire, social ou médico-social, appelés Services de soins et d’accompagnement mutualistes (SSAM). Livre II pour les mutuelles en charge de la complémentaire santé et autres activités de prévoyance. Le Livre I concerne les unions de mutuelles. Cette réforme se traduit également par une recomposition du paysage mutualiste. Les plus petites mutuelles ne disposant pas des moyens financiers pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires sont, soit absorbées par les groupes de protection sociale, soit fusionnées au sein de groupes mutualistes. 

Depuis 2001, essentiellement du fait de ces regroupements, le nombre des mutuelles a été divisé par cinq. En 2022, le rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) recense 350 mutuelles agréées. Pour autant, les mutuelles restent les organismes majoritaires de la complémentaire santé avec 35 millions de personnes protégées (rapport d’activité de la FNMF). 

D’autres réformes sont venues impacter l’économie de la santé et, par voie de conséquence, les mutuelles. Pour ne citer que les plus marquantes : L’alignement de la fiscalité sur les sociétés d’assurances et la taxation des contrats d’assurance avec la Taxe de solidarité additionnelle (TSA). Aujourd’hui cette taxe représente pour l’adhérent près de deux mois de cotisations. 

Le mouvement mutualiste dénonce un régime de taxe inéquitable pour les mutuelles et leurs adhérents qui fait de la santé « un produit » plus taxé que le hamburger, comme le souligne Éric Chenut, le président de la FNMF.

Autre point de désaccord, la décision du gouvernement de taxer les complémentaires santé lors de la pandémie. Prétextant une moindre activité liée à la mise en pause de l’activité économique, y compris les soins médicaux, le gouvernement, au titre de la « solidarité nationale », instaure la taxe Covid : 2,6 % en 2020 et 1,3 % en 2021. Comme le pressentait le mouvement mutualiste, cette décision, sans mesurer sérieusement les impacts, notamment d’un risque réel du report des soins, s’est avérée une double peine. En effet, après s’être acquittées des taxes, les mutuelles ont constaté une forte augmentation des prestations versées. La Drees, dans son rapport, établit cette hausse à + 6,1 % en 2021. 

Ces approximations pèsent sur les équilibres économiques des mutuelles, il en va de même pour le reste à charge zéro pour le patient, autrement appelé le 100 % santé. La mesure évaluée lors de sa mise en œuvre à 300 millions d’euros représente, aujourd’hui, un surcoût pour les organismes complémentaires de l’ordre de 500 millions d’euros. 

Il ne s’agit pas de contester le dispositif 100 % santé, qui permet à de nombreux assurés d’accéder à des équipements de qualité, mais d’éviter la dérive budgétaire, en encadrant efficacement les pratiques des opérateurs en optique audio et dentaire. En effet, trop de professionnels favorisent leur chiffre d’affaires au détriment des organismes assureurs : régime général de Sécurité sociale et complémentaires santé. 

Pour parfaire le tableau, il est constaté sur la période des programmations budgétaires avec les lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS) une amplification des transferts de charges au détriment des complémentaires (à titre d’exemple, en 2023, la diminution de 10 %, en soins dentaires, de la part Sécurité sociale).

L’accès à une complémentaire santé pourrait devenir un luxe !

C’est pourquoi notre mutuelle dans ses décisions a toujours recherché à contenir les augmentations en deçà de la moyenne constatée du secteur.

Dernier point contextuel, le retour sur l’étude réalisée conjointement par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF) et la Mutualité française (FNMF), à partir de données publiques, qui met en lumière les difficultés de nos concitoyens à accéder facilement à des professionnels de santé. Elle souligne que 87 % de la population vit dans un territoire concerné par un désert médical et pointe de fortes disparités. À titre d’exemple, en milieu rural, un médecin libéral couvre, en moyenne, 30 km² contre 5 km² en milieu urbain. Ce point a fait réagir plusieurs délégués sur la nécessité de faire la promotion du réseau de soins mutualistes où les tarifs sont encadrés.

Concernant notre actualité, nous avons présenté, à partir des tableaux de suivi des évolutions chiffrés, différents constats pour la mutuelle :

• une lente diminution des effectifs, malheureusement et principalement du fait des décès, diminution partiellement compensée par des adhésions nouvelles ;

• des secteurs professionnels historiques qui ne sont plus les principaux secteurs de développement ; une concurrence exacerbée entre assureurs à la suite de l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2014 généralisant la complémentaire santé en entreprise pour tous ;

• un sondage mené auprès de nos adhérents faisant ressortir un indice de satisfaction de leur contrat santé à 80 % et la méconnaissance pour 70 % d’entre eux des services de la mutuelle notamment l’action sociale.

C’est en partant de ces éléments factuels que le conseil d’administration s’est interrogé, ou plutôt s’est réinterrogé, sur la mutuelle, avec pour sujet de réflexion central : comment mieux anticiper les évolutions à venir et se projeter à cinq ou dix ans ? 

Dans un environnement fortement concurrentiel et pour se démarquer du seul facteur « prix », il nous apparaît essentiel d’inscrire notre mutuelle dans une dynamique de valorisation et d’amélioration de ses services aux adhérents, tout comme il est indispensable d’assurer une meilleure visibilité de nos actions et de notre positionnement.

Plusieurs pistes de réflexion sont aujourd’hui à l’appréciation des membres du conseil d’administration :

• faire savoir et mettre à disposition de nos adhérents des ressources documentaires pour les accompagner dans leurs parcours de soins et démarches au quotidien ;

• favoriser la prévention ; 

• appréhender le mieux vieillir ;

• valoriser et développer la solidarité entre adhérents et en direction d’associations porteuses des valeurs du mouvement mutualiste ;

• placer la solidarité sociale au cœur du projet mutualiste en popularisant et simplifiant le recours aux services de l’action sociale ;

• poursuivre notre politique de maîtrise des cotisations.

Plusieurs actions et ou décisions ont été validées :

• lancement d’un projet de refonte du site internet en cours ;

• validation du recrutement d’une assistante sociale pour accompagner nos adhérents et ainsi renforcer le service d’action sociale ;

• validation de la stratégie de développement en adéquation avec nos moyens humains et financiers à partir de nos deux implantations locales à Nice et Paris.

L’économie sociale et solidaire en quelques mots

Militant de l’ESS, Jean-Philippe Milesy nous livre un résumé du secteur : ses composantes, son fonctionnement et ses objectifs. « Avec plus de quarante millions d’adhérents, la Mutualité est une force essentielle de l’Économie sociale et solidaire. Avec les coopératives et les associations, l’ESS est fondée sur la libre adhésion, l’égalité, la solidarité et la démocratie selon la règle ‘‘une personne, une voix’’. Très au-delà d’une économie de la réparation, d’un “entreprendre autrement”, l’ESS est une manière de faire société. À ce titre, elle représente un potentiel de transformation démocratique de notre monde. » 

L. J.