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La précarité, aggravée par la crise sanitaire 

Le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français. Ce thème majeur devrait s’imposer lors de la campagne pour l’élection présidentielle, alors que plusieurs études montrent une progression de la précarité dans notre pays. De plus, la crise de la Covid-19 a aggravé la situation économique d’une partie de la population.

Selon l’enquête « Consommation et modes de vie » n° 320 du Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) publiée en octobre 2021, quatre millions de Français auraient été fragilisés par la crise sanitaire. Nos compatriotes seraient aujourd’hui plus nombreux à se définir comme « vulnérables ». Avec, dans 74 % des cas, un cumul de difficultés : logement, emploi, santé, isolement, relégation territoriale. À noter que ces « nouveaux vulnérables » manifestent une certaine défiance envers les institutions.

Qui sont-ils ? On compte des personnes jeunes (47 % de moins de 40 ans), chargées de famille (37 %), actives en emploi ou au chômage (68 %), appartenant au secteur privé (74 %) ou n’ayant pas le baccalauréat (50 %). Près d’un tiers de ces nouveaux vulnérables (31 %) disent avoir connu le chômage technique, et ils sont nombreux à exercer dans des secteurs ayant eu recours au chômage partiel (commerce, hébergement, restauration, activités culturelles, services aux ménages…) et à habiter l’Île-de-France, qui concentre un fort contingent de salariés en activité partielle. De son côté, Oxfam rappelait, dans son rapport annuel sur les inégalités en France et dans le monde publié en 2020, que les 1 % les plus riches possèdent plus de deux fois les richesses des 90 % de la population (soit 6,9 milliards de personnes). Il apparaît « qu’une minorité d’hommes blancs se taille la part du lion au détriment du plus grand nombre, à commencer par les femmes et filles ». On constate à ce jour « que près de la moitié de la population mondiale vit toujours avec moins de 5 euros par jour et que le rythme de réduction de la pauvreté s’est ralenti de moitié depuis 2013 ».

Il n’y a pas de fatalité

Les inégalités, et c’est inédit, « ont augmenté simultanément dans la quasi-totalité des pays du monde en raison des impacts de la pandémie de Covid-19 », affirme Oxfam en janvier 2021. La crise sanitaire s’est en effet doublée d’une crise économique et sociale. Selon Kristina Georgieva, directrice générale du FMI, « l’impact sera profond […], avec des inégalités croissantes provoquant des bouleversements sociaux et économiques ».

En France, notamment, des centaines de milliers de personnes ont sombré dans la pauvreté, tandis que la fortune des milliardaires flirtait avec de nouveaux sommets. L’Observatoire des inégalités relève que, pour la première fois dans l’histoire, les inégalités ont augmenté dans les mêmes proportions et au même moment dans la quasi-totalité des pays du monde à cause de la pandémie de Covid-19. Il apparaît en effet que la crise sanitaire a agi comme un amplificateur sur les inégalités au niveau mondial. Selon Oxfam, différentes organisations caritatives estiment même qu’un million de personnes auraient récemment basculé dans la pauvreté en France – ce qui, là encore, est sans précédent. Ainsi, à l’automne 2020, on estime à plus de 8 millions le nombre des bénéficiaires de l’aide alimentaire, contre 5,5 millions en temps « normal ». Pour mémoire, en 2008, ils étaient moins de 3 millions. Autres données à souligner, le nombre d’allocataires du RSA (revenu de solidarité active) a fortement augmenté durant la crise, de même que le nombre d’inscrits à Pôle Emploi.

Pauline Leclère, porte-parole d’Oxfam France, notait déjà en 2020 : « Les inégalités indécentes sont au cœur de fractures et de conflits sociaux partout dans le monde, car personne n’est dupe : la crise des inégalités traduit la complicité plus que l’impuissance des États à agir pour la combattre. Les inégalités ne sont pas une fatalité, elles sont le résultat de politiques sociales et fiscales qui réduisent la participation des plus riches – entreprises et particuliers – à l’effort de solidarité par l’impôt, et fragilisent le financement des services publics. »

Oxfam demande donc à Emmanuel Macron de réorienter d’urgence sa politique vers la réduction des inégalités grâce à des mesures enrayant la précarité des femmes. L’association appelle aussi les ultra-riches et les entreprises à contribuer davantage à l’effort de solidarité. S’attaquer aux inégalités femmes-hommes dans le monde du travail passe notamment par : l’amélioration des conditions de travail et la valorisation des rémunérations dans les métiers à prédominance féminine ; la sanction des entreprises ne respectant pas l’égalité professionnelle ; le renforcement de la transparence sur les écarts de salaires (par quartiles, par pays, par genre). Enfin, le rétablissement d’une fiscalité plus équitable pour les contribuables les plus aisés se traduirait par le rétablissement d’un impôt sur les grandes fortunes, la suppression des niches fiscales et la lutte contre l’évasion fiscale.

Alain Noël

Les inégalités en chiffres

■ La richesse des 1 % les plus riches de la planète correspond à plus de deux fois la richesse de 90 % de la population (6,9 milliards de personnes).

■ Dans le monde, les milliardaires (2 153 personnes seulement) possèdent plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, soit 60 % de la population mondiale.

■ En France, 7 milliardaires possèdent plus que les 30 % les plus pauvres, et les 10 % les plus riches possèdent 50 % des richesses.

■ Dans le monde, les hommes détiennent 50 % de richesses en plus que les femmes. Celles‑ci assurent plus des trois quarts du travail domestique non rémunéré et comptent pour deux tiers des travailleurs dans le secteur du soin.

Source : Oxfam France (Oxfam international est uneconfédération de 21 organisations caritatives indépendantesà travers le monde qui luttent sur les terrains politiques,économiques et humanitaires contre la pauvreté et les inégalités ainsi que pour un développement durable).