© Shutterstock

« Brisons le silence », la nouvelle campagne de lutte contre l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants

« Toutes les 3 minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle ». Telle est la réalité brutale révélée par la nouvelle campagne de lutte contre l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, présentée le 12 septembre par Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’Enfance.

« Il m’a dit “C’est notre petit secret, rien qu’à nous deux” ». C’est par la violence de cette phrase prononcée par la voix d’un enfant que s’ouvre le film de la nouvelle campagne nationale de lutte contre l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.
Lancée le 12 septembre par Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre chargée de l’Enfance, cette campagne vise précisément à marquer les esprits et à provoquer une prise de conscience collective.

https://twitter.com/CharlotteCaubel/status/1701547323715723631

Toutes les 3 minutes, un enfant est victime d’agression sexuelle

Car les chiffres sont éloquents : toutes les 3 minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle par un adulte, rappelle la campagne. Ainsi, deux à trois enfants par classe sont touchés par l’inceste. On estime qu’1 adulte sur 10 a subi l’inceste durant son enfance.
L’objectif de cette campagne, destinée aux adultes et intitulée « Brisons le silence », est bien de lever le voile sur cette réalité tue, pour que plus personne ne puisse dire « je ne savais pas ».

Au moindre doute, contactez le 119

Pour la secrétaire d’État, il est aussi important de rappeler qu’il ne faut pas attendre d’avoir des certitudes pour alerter, confiait-elle le 12 septembre sur le plateau de l’émission Quotidien.

Aussi, au moindre doute, elle invite les parents, proches ou professionnels à appeler le 119. Le numéro Allô enfance en danger est gratuit, confidentiel et disponible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Il concerne toutes les violences commises sur un enfant et les problèmes éducatifs.
Les enfants, bien sûr, peuvent eux aussi contacter ce service d’accueil téléphonique qui reçoit chaque jour des centaines de signalements.
Bien qu’il ne soit pas toujours facile de reconnaître ces violences, certains signaux peuvent alerter : un enfant qui se frotte souvent les mains (comme on le voit d’ailleurs dans la campagne), dort mal ou fait des cauchemars à répétition, change de comportement, a peur, ne veut plus faire certaines activités ou voir certaines personnes, ou a une alimentation perturbée (mange moins ou beaucoup plus) doit amener à s’interroger sur la situation.

Le mot « inceste » utilisé pour la première fois dans une campagne gouvernementale

Outre les chiffres chocs révélés par cette campagne, celle-ci est d’autant plus impactante que c’est la première fois que le gouvernement utilise le mot « inceste » dans sa communication ; un mot qui, à l’heure actuelle devant la loi, ne désigne pas une infraction mais constitue une circonstance aggravante de crime sexuel. Et pourtant, pour Charlotte Caubel, c’est bien en nommant l’inceste qu’on parvient à lutter contre.
La campagne s’attaque ici à un sujet tabou à plus d’un titre, puisqu’il parle de violence sur enfant, de sexualité et de famille. Une réalité choquante qu’on préfère ne pas connaître. Ce silence d’une société toute entière, Edouard Durand, juge des enfants et co-président de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), l’a récemment dénoncé sur X (ex-Twitter). « L’histoire de l’inceste, c’est l’histoire d’une société qui veut faire comme si ça n’existait pas », affirmait-il, en faisant référence au documentaire sur l’inceste, Un silence si bruyant d’Anastasia Mikova et Emmanuelle Béart, diffusé le 24 septembre sur M6, et qui résonne tristement avec cette campagne nationale.

160 000 enfants victimes de violence sexuelle chaque année

Selon les conclusions intermédiaires rendues par la Ciivise en mars 2022, 160 000 enfants sont victimes de violence sexuelle chaque année. Ces violences touchent les garçons comme les filles, toutes régions et tous milieux sociaux confondus, mais précisons toutefois que 9 fois sur 10, les victimes sont des filles. Par ailleurs, il s’agit d’inceste 8 fois sur 10. En outre, bien que l’agresseur se présente majoritairement comme étant le père de la victime (dans près d’un cas sur trois), il peut être un membre de la famille au sens large : parent, grand-parent, cousin, beau-père, frère et sœur.
Enfin, selon un autre rapport de la même commission publié en juin 2023, les violences sexuelles faites aux enfants coûtent chaque année 9,7 milliards d’euros à la France, dont 70 % représentant les conséquences à long terme sur la santé mentale des victimes. C’est aussi ça, le coût du déni.

© C i E M / Constance Périn