Aube : le vitrail dans tous ses états

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Aube : le vitrail dans tous ses états

La Cité du vitrail, inaugurée en 2022 à Troyes, est une invitation à découvrir un art multicentenaire d’une richesse exceptionnelle dans le département.

C’est à juste titre que l’Aube revendique le titre de « terre européenne du vitrail » : de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes aux modestes églises rurales disséminées sur le territoire en passant par des hôtels particuliers, ce sont plus de 350 édifices civils et religieux qui offrent aux visiteurs un panorama remarquable de cet art verrier à la fois si familier et si complexe.

La concentration de vitraux sur le territoire aubois a connu un âge d’or au sortir de la guerre de Cent Ans (1453), lorsque la reconstruction des édifices religieux a encouragé l’installation de nombreux ateliers d’artistes maîtres verriers stimulés par la compétition entre les donateurs, aristocratie, clergé, riche bourgeoisie, etc.

Aujourd’hui encore, des dynasties de maîtres verriers se succèdent et perpétuent l’art verrier de génération en génération tout en s’illustrant dans la création contemporaine, comme la famille Simon-Marq, réputée depuis le XVIIe siècle.

Rendre accessible le sens de ces images dont certaines datent du XIIe siècle : tel était le pari des institutions à l’initiative de cette « cité », tout à la fois lieu d’exposition, centre de recherche et de documentation et atelier pédagogique.

Censés raconter les Évangiles en images, les vitraux d’église étaient principalement destinés à l’instruction des fidèles, tout en insufflant dans leur cœur, la présence divine par la grâce de la lumière et des couleurs. De nos jours, la symbolique n’est plus comprise par nos contemporains et il faut s’armer de jumelles pour discerner les détails des œuvres…

C’est tout l’intérêt d’une visite à la Cité du vitrail : découvrir le vitrail à hauteur de regard. Une gageure tant l’éclairage des vitraux présentés constituait un défi majeur, la couleur devant faire corps avec la lumière.

Le parcours de visite de la Cité du vitrail est une expérience multisensorielle : l’histoire à l’échelle du pays mais aussi les techniques de fabrication, son origine, les clés de compréhension pour en décrypter le sens, sa place dans l’art contemporain.

Tout commence au 5e et dernier étage, où l’on découvre les « coulisses » de la création. Étape par étape, le visiteur s’initie à l’élaboration et l’exécution d’un vitrail, relatées dans un atelier reconstitué, don d’un maître verrier troyen. Vitraux originaux, outils, reproductions, films, photographies, permettent de préparer le visiteur à l’observation in situ.

Vingt-six vitraux classés chronologiquement sont offerts à la contemplation dans une lumière naturelle, dont certains de très grands formats. Ils illustrent la richesse et le foisonnement d’un art séculaire en perpétuelle évolution. Sa vocation religieuse quasi exclusive emprunte désormais des voies civiles purement décoratives.

La pièce la plus emblématique se trouve au 3e niveau dans la salle dite « du Trésor ». Il s’agit de la Transfiguration du Christ entouré de deux apôtres, daté de la fin du XIIe siècle, disparue depuis le début du XXe siècle et miraculeusement retrouvé en 2018 dans une vente publique… Un véritable trésor pour la Cité du vitrail !

Pour profiter pleinement des richesses acquises au cours de la visite, les visiteurs pourront prolonger leur séjour en suivant les étapes rassemblées tout au long de la Route du vitrail rassemblant 65 édifices dans l’Aube. Une application dédiée fournit une carte interactive, des images et des explications.

L’itinéraire commence à Troyes… au parking souterrain de la cathédrale, décoré par un artiste franco-allemand. Une expérience déroutante ! La rampe d’accès s’enroule autour d’un puits de lumière. À chaque niveau, des vitraux monochromes de grande taille ornent les baies en ogives. Dans le hall d’accueil figurent les noms des peintres verriers qui ont marqué l’histoire du savoir-faire troyen.

Sur la route des grands lacs de la forêt d’Orient, ne pas manquer l’église Saint-Georges de Chavanges. La verrière de l’Apocalypse en dix panneaux, réalisée d’après des gravures d’Albrecht Dürer est un chef-d’œuvre dont l’auteur est resté inconnu.

La Côte des Bars (terroirs viticoles de la Champagne) recèle quelques belles surprises comme l’église Saint-Pierre-ès-Liens, célèbre pour sa mosaïque de verres clairs aux figures géométriques entrelacées ornée de motifs végétaux peints à la grisaille.

Dans le Chaourçois, l’église Saint-Sébastien honore ses mécènes : François Gaucher de Dinteville, premier maître d’hôtel de François 1er, est représenté sur l’un des panneaux consacrés à la vie de la Vierge où il apparaît revêtu d’une armure aux pieds de Saint-François d’Assise.

Denise Cabelli