Accès aux soins : les délais de rendez-vous médicaux à la loupe
Une nouvelle enquête passe au crible les délais d’obtention de rendez-vous avec les médecins. Il faut ainsi patienter 3 jours pour consulter un généraliste, 7 jours pour un pédiatre et 11 jours pour un dentiste. Si ces résultats sont « plus optimistes que le ressenti des patients », des inégalités d’accès aux soins demeurent selon les territoires.
La Fondation Jean-Jaurès a publié, le 23 avril, une enquête sur les délais d’obtention des rendez-vous médicaux baptisée « Cartes de France de l’accès aux soins ». Celle-ci s’appuie sur les statistiques de la plateforme Doctolib. Ainsi, 75 000 professionnels de santé et près de 200 millions de consultations réalisées en France en 2023 ont été étudiés. Résultats : le délai médian pour consulter un généraliste est de 3 jours. Il faut patienter 7 jours pour voir un pédiatre et 11 jours pour une sage-femme ou un chirurgien-dentiste. Mais il faut attendre 42 jours pour un cardiologue.
Une différence entre soins primaires ou de spécialité
Sans surprise, les délais varient donc selon les professionnels de santé. La Fondation Jean-Jaurès distingue deux catégories : celles appartenant aux soins primaires et celles aux soins de spécialités. Dans la première, elle rassemble les médecins généralistes, les pédiatres, les sage-femmes, les dentistes et les kinésithérapeutes. Celle-ci affiche un délai médian inférieur à 15 jours. En revanche, la seconde catégorie a des délais plus longs. Ils sont de moins d’un mois pour la psychiatrie, la gynécologie et l’ophtalmologie et plus d’un mois pour la dermatologie et la cardiologie. Toutefois, les auteurs notent que pour les « soins de spécialité, les rendez-vous ont davantage tendance à être programmés et les patients ne recherchent pas nécessairement les rendez-vous les plus rapide ».
Selon les territoires, des inégalités d’accès
Autre enseignement : « La plupart des cartes des délais médians d’accès aux soins ont tendance à se superposer aux cartes de démographie médicale et plus largement aux cartes des inégalités territoriales dans l’Hexagone […] même si cette comparaison doit être prise avec précaution. » L’Île-de-France, le littoral méditerranéen et atlantique, les gros pôles urbains et universitaires sont mieux dotés. Logiquement, les délais y sont plus courts.
À l’opposé, quinze départements ont des délais médians au moins deux fois supérieurs à la moyenne, pour au moins trois professions. Il s’agit du Gers, de la Saône-et-Loire, de la Nièvre, du Territoire de Belfort, du Loiret, du Cher, des Deux-Sèvres, de l’Ardèche, de l’Eure, du Calvados, de la Manche, de la Loire-Atlantique, des Côtes-d’Armor et du Pas-de-Calais.
Les écarts de délai sont les plus importants chez les ophtalmologistes, les dermatologues et les pédiatres. « Il y a + 90 jours de différence entre les départements où les délais sont les plus rapides et ceux où ils sont les plus courts », révèle la Fondation.
Des délais plus rapides dans certaines situations
La Fondation pointe tout de même les efforts faits par les professionnels de santé. « Malgré les difficultés rencontrées, les soignants se mobilisent pour réduire les inégalités d’accès aux soins et répondre à la demande de soins non programmés », constate-t-elle.
Dans le détail, 41 % des rendez-vous chez le médecin généraliste ont eu lieu en moins de 48 heures. C’est 34 % chez le pédiatre. Par ailleurs, 45 % des consultations ont été réalisés en moins de 7 jours chez les masseurs-kinésithérapeutes. Ce taux est de 32 % chez les chirurgiens-dentistes.
La téléconsultation apparaît par ailleurs être un outil précieux. Fortement encouragée pendant l’épidémie de Covid-19, elle s’est depuis développée (lire « Téléconsultation : comment ça marche ? »). Elle facilite en effet les prises en charge en urgence et permet d’assurer la continuité des soins en psychiatrie. « En moyenne, les délais médians d’octroi de rendez-vous sont cinq fois plus rapides en téléconsultation par rapport à l’ensemble des consultations, contribuant ainsi à apporter de la flexibilité dans l’organisation du cabinet », expliquent les auteurs.
Des résultats optimistes à nuancer
Mais globalement les délais annoncés dans l’étude semblent plutôt courts. Les auteurs le concèdent, « ces statistiques dressent un panorama plus optimiste que le ressenti des patients et les études existantes ». Ils avancent plusieurs hypothèses pour expliquer ce phénomène. Tout d’abord, l’étude porte sur les patients qui ont obtenu des rendez-vous. Elle ne prend pas en compte ceux restés sans solution ou qui se sont rendus aux urgences.
Ensuite, elle ne s’intéresse qu’aux utilisateurs de Doctolib. La fondation s’interroge : « Faut-il alors en déduire un impact des outils numériques (agenda et téléconsultation) qui permettent au professionnel de santé d’optimiser son organisation et d’augmenter les gains de temps de soins ? ».
Enfin, le classement des délais de rendez-vous à l’échelle des départements a ses limites. Car « elle ne permet pas de refléter la réalité des soins primaires où les patients cherchent des solutions à proximité de chez eux ». Les Français peuvent se rendre dans le département d’à côté pour consulter. Pour être plus précis, les auteurs préconisent de privilégier une étude fondée sur les bassins de vie.
© C i E M / Léa Vandeputte