Voyage au cœur des poumons
Jamais la respiration, cette fonction si naturelle, n’avait fait autant parler d’elle qu’au moment de la pandémie de Covid-19. Avec ce virus, nos organes respiratoires ont été mis sur le devant de la scène médicale. Profitons-en pour explorer nos si précieux poumons.
Les poumons sont aujourd’hui plus que jamais au centre des préoccupations des médecins et des patients. Mais les connaissons-nous vraiment ? Logés dans la cage thoracique, ils sont les principaux organes permettant la respiration. Leur fonction : faire entrer et se dissoudre l’oxygène dans le sang et rejeter le gaz carbonique (CO2), déchet principal des cellules humaines.
Une mécanique bien rodée
Pour bien comprendre le fonctionnement des poumons, il faut déjà connaître la structure du système respiratoire et de quelle façon l’air entre et sort dans notre corps. Tout d’abord, les poumons reposent sur un muscle, le diaphragme. Quand on inspire, celui-ci se contracte et descend. Les poumons ont alors la place de s’étirer. L’air qui s’y trouve y occupe par conséquent un plus grand volume. Comme la pression de l’air à l’intérieur des poumons devient plus faible que celle à l’extérieur, l’air s’engouffre tout seul à l’intérieur des poumons et vient gonfler les alvéoles. Puis le diaphragme se relâche, il remonte ; la pression dans les poumons augmente. Et quand celle-ci devient supérieure à la pression de l’air extérieur, l’air contenu dans les poumons est automatiquement évacué.
Lors de l’inspiration, l’air entre par le nez ou par la bouche, traverse le pharynx, puis le larynx au niveau duquel se trouve l’épiglotte, un clapet qui empêche, lorsque l’on déglutit, que les aliments ne tombent dans les voies respiratoires. L’air poursuit son chemin par la trachée, laquelle se divise en bronches, qui se subdivisent plusieurs fois jusqu’à devenir des bronchioles, le stade de ramification terminale des bronches. Une bronchiole mesure moins d’un millimètre de diamètre. Au bout de chacune d’elles se trouve un minuscule sac pulmonaire, l’alvéole. D’un diamètre de 0,2 mm, les alvéoles sont regroupées en grappes. Il y en a plus de 600 millions dans les poumons. C’est là que l’air finit sa course.
L’air, c’est la vie !
La ventilation est un réflexe et l’on ignore encore ce qui la déclenche. Avant de naître, le bébé ne respire pas par ses poumons, qui sont remplis de liquide. L’oxygène lui est fourni par le sang maternel. Sa première inspiration a lieu à la naissance, et son cri est la preuve qu’il expire bien. À la fin de sa vie d’adulte, il aura inhalé quelque 300 millions de litres d’air au total, à raison d’environ 12 000 litres toutes les 24 heures. Cet air est composé à 78 % d’azote et 21 % d’oxygène, le reste étant des gaz rares, mais seul l’oxygène est indispensable à la vie. Sans lui, l’organisme ne pourrait pas produire l’énergie dont il a besoin pour fonctionner. Celle-ci est le résultat d’une réaction chimique entre les aliments absorbés (les glucides et les lipides), ce que l’on appelle le carburant, et l’oxygène, le comburant, autrement dit ce qui permet la combustion. Cette réaction chimique entre les lipides et les glucides et l’oxygène contenu dans l’air produit du dioxyde de carbone, qui est expulsé lors de l’expiration.
Usine à gaz
Les échanges de gaz carbonique et d’oxygène se font au niveau des alvéoles, de façon simultanée. À chaque inspiration, l’air chargé d’oxygène se faufile jusque dans celles-ci, et fait le chemin en sens inverse une fois chargé de dioxyde de carbone. Grâce au surfactant, substance secrétée par les cellules alvéolaires, les alvéoles conservent leur forme et ne s’écrasent pas complètement lorsqu’elles sont vides. Leur surface extérieure est recouverte de petits vaisseaux sanguins appelés capillaires. Quand on inspire, les alvéoles font le plein d’oxygène qui est contenu dans l’air. À ce stade, la quantité d’oxygène est plus importante dans les alvéoles que dans le sang. Sous l’effet de la pression, l’oxygène va franchir la membrane microscopique qui sépare les capillaires et les pneumocytes pour venir se fixer sur l’hémoglobine. L’hémoglobine poursuit ensuite sa route jusqu’au cœur qui, jouant son rôle de pompe, l’envoie distribuer l’oxygène aux cellules. En échange, les cellules donnent du dioxyde de carbone, dont l’hémoglobine va se débarrasser une fois revenue aux poumons. À ce moment, la quantité de dioxyde de carbone est plus importante dans le sang que dans les alvéoles. Sous l’effet de la pression, le dioxyde de carbone va donc franchir la barrière, se retrouver dans les alvéoles avant d’être chassé vers l’extérieur.
Activité physique et respiration
Pendant un effort, le cœur accélère son rythme, ce qui permet aux globules rouges de défiler beaucoup plus vite dans les alvéoles, augmentant ainsi l’oxygène apporté aux muscles et, de ce fait, l’évacuation du dioxyde de carbone présent lui aussi en plus grande quantité. Des récepteurs situés au niveau de la carotide captent l’augmentation du taux de dioxyde de carbone dans le sang et commandent l’accélération de la ventilation. Cette accélération du souffle est un phénomène réflexe, qui se déclenche quand nous ne parvenons pas à évacuer le dioxyde de carbone. Une ventilation mal gérée pendant un effort physique entraîne parfois un point de côté, une crampe du diaphragme due à un manque d’oxygène. Pour le faire disparaître, il est conseillé de vider ses poumons et de se pencher en avant pour étirer le diaphragme. Les sportifs, quant à eux, n’ont pas des poumons plus volumineux que les autres, mais ils possèdent un cœur plus gros. À chaque battement, celui-ci envoie donc plus de globules rouges vers les alvéoles. C’est la raison pour laquelle leur sang s’oxygène mieux. On peut toutefois accroître son endurance à tout âge, car, si la croissance des poumons s’arrête à 22 ans, le cœur et les muscles, eux, peuvent toujours améliorer leur exploitation de l’oxygène fourni par les poumons.
Le pire ennemi du sportif : le tabac
Outre les dégâts irrémédiables qu’elle cause, la fumée du tabac contient du monoxyde de carbone. Une fois dans le sang, ce gaz se fixe à l’hémoglobine à la place de l’oxygène. Le manque d’oxygène diminue les performances sportives. De plus, il use le cœur qui doit travailler davantage pour compenser. Entre autres méfaits, cette fumée participe à amoindrir les défenses des poumons. D’une part, elle favorise la fabrication de mucus, une sécrétion visqueuse et translucide produite en grande quantité dès que les poumons sont agressés. Cela donne une envie fréquente de tousser pour s’en débarrasser. D’autre part, elle participe à détruire les cils vibratiles de la trachée et des bronches, ce qui fragilise l’organisme face aux maladies et empêche le mucus d’être évacué. Pour finir, la fumée détruit aussi les alvéoles en altérant le surfactant qui les tapisse et les empêche de s’affaisser sur elles-mêmes lorsqu’elles se vident. Mais une fois écrasées, elles sont définitivement hors d’usage et la capacité pulmonaire diminue, ce qui explique pourquoi, très souvent, les fumeurs sont vite essoufflés quand ils font un effort.
Dans l’air que nous respirons se trouvent également des polluants, des poussières, des virus, des bactéries… Si les petits poils, appelés vibrisses, situés dans le nez, font barrage aux plus grosses particules, les plus fines, elles, finissent toujours par passer. Heureusement, les poumons sont dotés de systèmes de protection efficaces. Lorsqu’une poussière tombe dans la trachée, elle est chassée par la toux ou par un éternuement, des réflexes naturels de défense. Les conduits du système respiratoire sont aussi protégés par le mucus. Lorsqu’un indésirable, tel qu’un virus, s’immisce jusqu’ici, une lutte s’engage alors entre l’intrus et le système immunitaire. L’organisme produit davantage de mucus, tandis que de petits cils qui battent en permanence évacuent ce mucus vers l’extérieur. Ce phénomène explique la raison pour laquelle on crache ou on se mouche lorsque l’on est enrhumé, par exemple.
Tabac et cancer
La fumée de cigarette renferme en outre des goudrons qui se déposent dans les bronches et les poumons. Avec le temps, des substances chimiques contenues dans ces goudrons finissent par traverser les tissus et par se glisser dans le noyau des cellules. Elles vont ainsi détériorer l’ADN, c’est-à-dire le programme de fabrication des nouvelles cellules, provoquant l’apparition de cellules cancéreuses. Voilà comment le tabac est responsable de cancers comme ceux du poumon et de la gorge. En France, toutes maladies confondues, il est d’ailleurs la première cause de troubles respiratoires. La probabilité de développer un cancer du poumon est due au nombre de cigarettes fumées, mais surtout à la durée du tabagisme. C’est la raison pour laquelle fumer même une seule cigarette par jour pendant vingt ans entraîne un risque de cancer du poumon. Et n’oublions pas que les fumeurs passifs peuvent aussi être victimes du tabac. Les bébés exposés à la fumée de cigarette, notamment, ont plus de risques d’avoir des infections respiratoires, comme la bronchiolite.
L’asthme, fléau des pays industrialisés
Quant à l’asthme, il concerne près de 10 % de la population française. Cette maladie respiratoire se caractérise par une contraction anormale des muscles bronchiques et une inflammation des muqueuses, qui sécrètent du mucus de façon anormale, réduisant encore plus le passage de l’air dans les bronches. S’il affecte toutes les tranches d’âge, l’asthme est « la maladie chronique la plus courante chez l’enfant », selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La crise d’asthme se manifeste par une difficulté à expirer, une respiration sifflante, de la toux et une sensation d’étouffement. Elle peut être déclenchée par une vive émotion, un effort intense comme la course à pied, certaines conditions climatiques comme l’humidité ou le froid, des irritants (la pollution) ou encore des allergies. Cette maladie chronique touche davantage les pays industrialisés. Les causes sont multifactorielles. Outre une prédisposition génétique, les facteurs environnementaux, tels que la pollution de l’air (extérieur comme intérieur) et les facteurs saisonniers comme les pollens, sont très importants. Aussi, pour mieux vivre avec l’asthme et préserver ses poumons, il est conseillé de bien respecter ses traitements et d’adapter son mode de vie, en particulier en ne fumant pas, en évitant de sortir pendant les pics de pollution, en pratiquant une activité physique régulière et en faisant la chasse aux allergènes (poussières, acariens, poils d’animaux, etc.) chez soi.
© C i E M / Isabelle Coston
Ventilation et respiration : à ne pas confondre
Bien que moins utilisé, le mot ventilation désigne l’action qui consiste à renouveler l’air dans nos poumons. Le mot respiration, qui fait davantage partie du langage courant, désigne plutôt la respiration cellulaire, c’est-à-dire le passage de l’oxygène au cœur de nos cellules.
Respirer en altitude
L’oxygène se raréfie avec l’altitude car la pression atmosphérique est plus faible. L’air en montagne est plus léger et contient moins de molécules, donc moins d’oxygène, mais aussi moins d’azote et moins de dioxyde de carbone. Par ailleurs, l’oxygène à basse pression passe plus difficilement des alvéoles dans le sang. Comment des millions de personnes parviennent-elles alors à vivre au-dessus de 2 500 mètres ? Leur organisme s’est adapté de différentes façons. Le corps des Tibétains ou des habitants des Andes, par exemple, produit plus de globules rouges. Leur sang transporte donc plus d’oxygène. Chez d’autres peuples des montagnes, c’est le rythme respiratoire qui s’accélère. Même au repos, ils font de l’hyperventilation.
Les secrets des apnéistes
Les apnéistes apprennent à assouplir leur cage thoracique et leurs muscles de manière à emmagasiner un grand volume d’air, qui sera de plus en plus comprimé au fur et à mesure que la pression sous-marine augmente. Ce sont les champions en matière de concentration et de relâchement. Par des techniques respiratoires, en modulant le rythme et la profondeur de leur respiration, ils parviennent en effet à agir sur leur état d’esprit et même à ralentir leurs battements cardiaques afin de réduire leur consommation d’oxygène. Leurs poumons peuvent contenir jusqu’à 10 litres d’air.