Dans une interview accordée au journal Les Echos (25 avril), la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a dévoilé les grandes lignes de son plan pour économiser 10 milliards d’euros en trois ans sur les dépenses de santé. Un entretien dans lequel elle se veut rassurante : « Les patients ne seront ni moins bien soignés ni moins bien remboursés. Je le réaffirme, il n’y aura ni déremboursements ni nouvelles franchises. Les réformes que j’engage n’aboutiront pas à un système de santé low cost, mais au contraire à préserver l’excellence de notre modèle. » Trois jours plus tard, la ministre affirme de nouveau ses choix dans une tribune publiée sur le site Internet Huffingtonpost.fr. Face à ceux qui doutent, elle ne désarme pas : « C’est réalisable, à condition de ne pas s’inscrire dans une logique de restriction, mais bien d’innovation. » Des innovations pharmaceutiques, médicales, organisationnelles ou sociales. Dans un contexte financier contraint, le projet de la ministre repose sur des réformes de structures consistant à réorganiser le système de soins pour le rendre plus efficace sans « pénaliser les plus modestes ». Ces mesures doivent permettre d’atteindre les objectifs fixés par le gouvernement dans le cadre du programme de stabilité, qui prévoit 50 milliards d’euros d’économie d’ici 2017.
Quatre axes majeurs
« Proximité » , « efficacité » , « régulation » et « coordination » sont les quatre axes du plan d’économie présenté. D’abord, la coopération ville-hôpital doit être renforcée, et le rythme de croissance des interventions en ambulatoire – qui permettent au patient de sortir le jour même de l’hôpital –, doublé. Ces mesures doivent permettre d’économiser 1,5 milliard d’euros, dont 1 milliard pour la chirurgie ambulatoire sur trois ans. Le deuxième axe du plan vise à éviter les actes inutiles ou redondants et la consommation de médicaments inadaptés. Marisol Touraine a également annoncé la mise en place de listes de médicaments recommandés établies par les médecins pour chaque spécialité, afin de faciliter la qualité de la prescription. Gains attendus : 2,5 milliards d’euros d’ici 2017. Le plan d’économie prévoit ensuite des baisses de prix pour les produits de marque comme pour les génériques, avec un objectif de 3,5 milliards d’euros d’économie. Pour que cela fonctionne, la ministre s’est dite favorable à une campagne d’information pour dissiper les doutes qui subsistent sur la qualité des génériques. Le gouvernement souhaite que ces médicaments représentent un quart du marché français en 2017. Enfin, Marisol Touraine appelle à une amélioration de la gestion des hôpitaux et à une mutualisation de leurs achats, pour économiser ainsi 2 milliards d’euros. Des mesures seront également prises pour résorber le recours excessif aux médecins intérimaires, qui coûtent trop cher aux établissements publics.
Des mesures critiquées
Des annonces accueillies froidement par les professionnels de santé, comme « il fallait s’y attendre », souligne le site Internet Pourquoidocteur.fr dans un article sur les critiques adressées à la ministre. Dans un communiqué, le Leem, représentant les entreprises du médicament, dénonce « le caractère totalement disproportionné de l’effort demandé à l’industrie du médicament, au regard du poids réel de ce poste dans les dépenses de santé. Ces trois dernières années, l’industrie pharmaceutique a supporté l’essentiel des efforts d’économie au travers des lois de financement de la Sécurité sociale, alors que le médicament ne représente que 15 % des dépenses de santé ». La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), premier syndicat de médecins libéraux, a de son côté qualifié le plan d’« inique et inacceptable » et demandé « une répartition équitable des efforts entre tous les acteurs du système de santé ». L’Association des accidentés de la vie (Fnath), qui reconnaît qu’aucune mesure « défavorable aux usagers » n’a été prise, reste inquiète « pour des personnes dont l’état de santé peut être fragile et qui nécessitent une hospitalisation plus longue ». Toujours au sujet des hôpitaux, la CGT santé estime que ces mesures risquent d’aggraver leur situation. Le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), qui représente les usagers, s’est félicité dans un communiqué du fait que « les choix d’économies opérés ne font pas du patient une variable d’ajustement ». Autre réaction positive rapportée par Le Quotidien du médecin dans un article sur le Web, celle du député socialiste Olivier Véran, auteur en décembre dernier d’un rapport sur les dérives de l’emploi temporaire à l’hôpital, qui s’est réjoui de la décision de plafonner la rémunération des médecins intérimaires.