La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, l’a confirmé lundi 28 mai sur RTL : les médicaments anti-alzheimer ne seront bientôt plus remboursés. « Je devrais, dans les jours qui viennent, annoncer le fait que nous suivrons les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) », a-t-elle précisé. Cela fait en effet des années que l’autorité sanitaire juge ces traitements obsolètes. En 2016, sa commission de transparence avait estimé que les quatre médicaments prescrits contre les symptômes de la maladie d’Alzheimer (l’Ebixa, l’Aricept, l’Exelon et le Réminyl) présentaient un service médical rendu (SMR) insuffisant pour justifier la poursuite de leur prise en charge. Selon le professeur Christian Thuillez, président de cette commission, si « les bénéfices de ces médicaments existent », ils demeurent « modestes et ne sont pas suffisants par rapport aux risques encourus par les patients ». La liste des effets secondaires possibles serait non négligeable : la HAS parle notamment de troubles digestifs, cardiovasculaires ou neuropsychiatriques, voire de syncopes ou de réactions cutanées sévères. A cela s’ajoute un danger élevé d’interactions médicamenteuses, dans la mesure où les malades âgés sont souvent polymédiqués.
Coût élevé de la prise en charge
Au-delà des risques pour les patients, le montant élevé de la prise en charge pose, lui aussi, très certainement problème. Remboursés à hauteur de 15 %, ces médicaments ont coûté près de 90 millions d’euros à l’Assurance maladie en 2015. Aujourd’hui, plus de 850 000 personnes souffrent d’alzheimer ou d’une maladie apparentée et, selon la Fondation pour la recherche médicale, un Français de plus de 65 ans sur quatre devrait être concerné en 2020. Sur le long terme, la prise en charge médicamenteuse pourrait donc s’avérer encore plus onéreuse. Or, pour les professionnels de santé, de telles dépenses restent justifiées, car contrairement à ce qu’annonce la HAS, les traitements auraient une utilité bien réelle : « Les médicaments symptomatiques qui pourraient ne plus être remboursés demain ont prouvé leur efficacité sur la cognition dans la maladie d’Alzheimer, la maladie à corps de Lewy et la démence de la maladie de Parkinson », affirment dans un communiqué cinq sociétés savantes et organisations professionnelles*. Elles appellent à « un nouvel examen des résultats scientifiques réels des grandes études internationales avant de prendre une décision définitive » qui serait « délétère pour les patients et leur entourage ».
Inégalité d’accès aux traitements
Quant aux associations de patients, elles ne décolèrent pas. France Alzheimer juge la mesure « infondée » et « inadaptée ». Selon elle, les patients qui utilisent ces médicaments et leurs familles sont satisfaits. Les priver de remboursement conduirait à une « iniquité » entre les plus aisés et les plus démunis : « Compte tenu du reste à charge extrêmement élevé […], plus de 1 200 euros par mois en moyenne, rares sont [ceux] qui pourront, en sus de leurs dépenses actuelles, assumer les 30 euros mensuels équivalents au coût du traitement. » France Alzheimer regrette aussi qu’une telle mesure ne soit pas « accompagnée d’annonces de moyens financiers conséquents pour la recherche […] ; pour le développement de structures et dispositifs de prise en soin qui font toujours cruellement défaut [et] pour la mise en place de dispositifs accessibles pour le répit des aidants ».
A défaut d’annonces financières, la HAS vient de publier un guide de diagnostic et de prise en charge de la maladie qui met l’accent sur les consultations mémoire, l’orthophonie ou l’activité physique. Qu’à cela ne tienne, pour France Alzheimer, les malades et leurs familles doivent conserver le choix d’associer ces approches à une prise en charge médicamenteuse. Et l’association de rappeler que, si la ministre va jusqu’au bout, la France deviendra le seul pays européen à ne pas rembourser les médicaments anti-alzheimer.