Presque vingt-quatre heures de négociations auront été nécessaires à l’Assurance maladie et aux syndicats de médecins (SML, Le Bloc, FMF et CSMF) pour aboutir, mardi en fin d’après-midi, à un accord sur l’encadrement des dépassements d’honoraires. Ce texte, qui s’apparenterait plutôt à un relevé de conclusions, a déjà été approuvé par la base des deux principaux syndicats (CSMF et SML), et l’on attend la décision du syndicat MG France, absent de la dernière partie des discussions. De son côté, la Mutualité française a indiqué qu’elle apporterait sa signature, s’engageant ainsi dans un dispositif « qui privilégie la maîtrise des dépassements d’honoraires ». C’est la première fois qu’un frein à la hausse continue des dépassements d’honoraires est mis en place en France. Des dépassements qui représentent, rappelons-le, 2,5 milliards d’euros par an.
Cependant, si la ministre de la Santé saluait, mardi soir, « un tournant majeur pour la prise en charge de la santé des Français » et assurait que, grâce à ce texte, près de cinq millions de patients supplémentaires « auront la garantie d’être soignés au tarif de la Sécurité sociale », les associations de patients semblent bien déçues. Le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) estime notamment que le texte a été vidé de sa substance pour accélérer la signature et qu’aucune mesure radicale n’est prévue pour empêcher réellement les dépassements d’honoraires.
Les abus réellement sanctionnés ?
Alors, concrètement, de quoi s’agit-il ? Bien que le texte ne soit pas encore publié, on sait déjà que, dès 2013, les dépassements d’honoraires abusifs devraient être sanctionnés par une commission paritaire composée de membres de l’Assurance maladie et de représentants de médecins. Si, au cours des négociations, le seuil de dépassement acceptable avait été fixé à 150 % des tarifs de la Sécurité sociale (soit 60 euros maximum pour une consultation de 23 euros chez un généraliste et 70 euros au lieu de 28 euros chez un spécialiste), cette limite n’est plus aujourd’hui qu’un repère parmi les autres. Pour évaluer le caractère abusif d’un dépassement, la commission prendra aussi en compte le lieu d’activité du praticien, sa notoriété ou le dépassement moyen annuel par patient. Les sanctions seront donc prononcées au cas par cas, et non appliquées systématiquement.
Second volet du projet d’accord : la mise en place, dès juillet prochain, d’un contrat d’accès aux soins destiné aux médecins de secteur 2 et aux chefs de clinique de secteur 1 volontaires. Avec ce contrat, le praticien s’engagera, moyennant la prise en charge de ses cotisations sociales, à limiter ses dépassements d’honoraires (pas plus de 100 % du tarif opposable). Ses patients seront quant à eux mieux remboursés par la Sécurité sociale, et les mutuelles seront invitées à prendre en charge les dépassements... Le praticien devra aussi pratiquer le tarif opposable pour les bénéficiaires de la CMU et les personnes éligibles à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS).
Les médecins gagnants ?
Pour le Ciss, ce contrat, très loin d’atteindre ses objectifs, serait « la porte ouverte à la généralisation et à la légitimation des dépassements d’honoraires, plutôt qu’à leur limitation ». D’après le collectif, un médecin de secteur 2 qui a la possibilité de pratiquer un dépassement d’honoraires jusqu’à 150 % du tarif opposable n’aura aucun intérêt à souscrire un contrat qui le limitera à 100 %, même avec la prise en charge de ses cotisations sociales. Il semblerait donc que les véritables gagnants des négociations soient les médecins… D’autant que, lors des négociations, ces derniers ont également obtenu la revalorisation des tarifs du secteur 1. Ainsi, à partir du 1er juillet 2003, un forfait annuel de 5 euros par patient suivi sera versé aux médecins traitants et le tarif de la consultation pour les patients âgés de plus de 85 ans augmentera de 5 euros.